Chapelle de la Feldlach
Texte issu de l'Annuaire des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat par Renée Balthasar :
« La chapelle perdue au milieu des champs entre la RN 83 et Ebersmunster et dont chacun peut admirer l'élégance se nomme Feldlach Kapelle. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'elle se situe à la limite des terres non cultivées. En 1480 Feld signifiait terre non cultivée et Lach limite : terre située à la limite... Mais voici comment une légende émaillée de petits anachronismes raconte les origines de la chapelle.
Cela se passait aux alentours des années 1880.
Comme chaque matin, madame Boehler Caroline, une habitante d'Ebersheim, allait couper de l'herbe pour ses lapins dans le ban de Feldlach. Ce matin-là, en arrivant au fossé, elle y trouva, couchée parmi les plantes aquatiques, une statue de la vierge. Quelque peu scandalisée par ce fait peu banal et trouvant ceci un peu bizarre, elle s'inquiéta. Se posant des questions et étant bonne chrétienne, madame Boehler ramassa la statue de la vierge, bien lourde parce qu'en pierre et de taille respectable (60cm environ) et la transporta à l'abbatiale d'Ebersmunster. Seulement voilà, quelques jours plus tard, ladite statue était revenue au même endroit que la première fois. Comment ? C'est à ce moment précis que pour la bonne dame la chose devint mystérieuse. Une fois de plus rassemblant toutes ses forces, et il en fallait, elle rapporta la statue à l'abbatiale d'Ebersmunster. Jamais deux sans trois dit le proverbe et ce fut le cas : la statue se trouva une troisième fois au même emplacement. Que faire ? Visiblement la Vierge ne tenait pas à rester à Ebersmunster. Aussi, très troublée, notre paysanne confia la statue à Monsieur le Curé Andrès d'Ebersheim qui interpréta ces manifestations comme un signe divin, décida avec quelques paroissiens de construire à la Feldlach une petite chapelle en bois afin d'y abriter la statue de la vierge. Dès lors, les habitants d'Ebersheim, de Kogenheim, ou d'Ebersmunster prirent l'habitude de s'y rendre à pied le dimanche. Ainsi s'achève la légende.
Revenons à présent sur un terrain plus réaliste.
La chapelle n'était pas très solide. en plein champ, exposé à tous les caprices du temps, elle s'effondra à plusieurs reprises ; c'est pourquoi Monsieur le Curé Andrès décida de la remplacer par une chapelle en pierre. Seulement où trouver l'argent ? L'ecclésiastique décida de solliciter, avec quelques paroissiens, les habitants d'Ebersheim et de Kogenheim. Il ramassa ainsi la somme nécessaire à la construction de la chapelle telle que vous pouvez la voir aujourd'hui.
Cependant, là ne s'arrête pas le côté étrange de ce lieu, car il advint encore, un peu plus tard, un fait taxé de miraculeux. Lors de la construction, les pierres furent cherchées dans la carrière du Tännelkreutz à l'aide d'une dizaine d'attelages. En descendant la colline, les chevaux de l'un d'entre eux, pour une raison indéterminée, s'emballèrent tout à coup, mettant ainsi la vie des conducteurs en péril. Ceux-ci, se sentant perdus, supplièrent la Vierge de la Feldlach de les secourir et là !...Oh !...stupéfaction ! les chevaux se détachèrent et le chariot se rangea en douceur sur le bas-côté. Les deux hommes se jetèrent à genoux et remercièrent la Vierge. A partir de là l'édification de la chapelle alla bon train. Il faudra mille pierres pour construire le gros oeuvre.
L'entreprise Parinetti apporta une aide non négligeable. Cette entreprise continuée par la fille et le gendre de Monsieur le Curé Andrès, passionné de sculpture, ajouta, chose unique en Alsace deux gargouilles à la chapelle; ce qui lui donne un petit air d'église des champs.
Elle fut terminée en 1905.
Comme chaque année, le 8 septembre, jour de la Nativité de la Vierge, une messe y était célébrée et ce jusqu'en 1985, année du départ de Monsieur la Curé Waldner.
C'est ainsi qu'au coeur de l'hiver passé on se souvint dans le village. Renouant avec les conteurs d'autrefois une aïeule raconta aux enfants assis auprès d'elle la légende de la Feldlach Kapelle. Un beau jour de 1988, ces mêmes enfants et leurs camarades d'école eurent l'idée de la faire revivre sous forme de spectacle théâtral (ce fut l'école primaire d'Ebersheim).
Mais celui qui à la fin d'une chaude journée d'été se dirige lentement vers la chapelle, puis s'arrête un moment et regarde au loin la chaîne des Vosges nimbée par les reflets d'or du soleil couchant, celui-là s'assied sur ses marches et se laisse insensiblement pénétrer par une grande paix. Quand enfin, près d'elle, il écoute les bruits et les silences qui remontent vers lui, il se dira peut-être qu'un jour, dans un vieux manuscrit, il trouvera la trace historique prouvant que depuis la nuit des temps, cet îlot, que même les inondations respectent, a été un endroit privilégié où l'homme retrouve sa sérénité intérieure. »